Paysage près de Ferry

Réminiscences

Publié par Mariam Sanon

Lorsque je sors de l'avion qui nous a propulsés à l'envers du monde comme en autobus, en vrac, voilà qu'apparaît l'évidence d'être là : dans cette chaleur verdoyante, dans ce jour finissant et moite, dans ces routes aux noms évocateurs fréquentées comme si c’était hier… « Sentwôz » (Sainte-Rose), Deshaies, Gros Morne, Grande-Anse, toutes bordées de palmeraies et de forêts qui étendent leur feuillage avides de soleil et d’humidité. Je contemple ce coin d’île lié-séparé d’une France par un océan immense, qu’il aurait fallu traverser dans un long mois de vagues, de cordages et de vents marins. Au lieu de cela, c'est en fait l’immédiate accessibilité du tout-venant brûlée au kérosène.

Quoi qu'il en soit, une semaine plus tard, je rencontre enfin les élèves de la classe de l'école de Ferry. Ici, les communes sont très étalées et nous sommes dans un village-quartier résidentiel, à dix minutes de Deshaies. Dans la classe, tous les élèves portent le tee-shirt "uniforme" jaune de l'école, comme il est d'usage en Guadeloupe. A l'extérieur le ciel est trempé d'une pluie diluvienne, comme un écho aux grèves qui en ce moment font frémir toute l'île.

Pendant cette première séance, je leur présente mon métier et nous évoquons la série à succès duquel leur village est le décor : Meurtre au Paradis. Nous échangeons : quelle est la différence entre fiction/ documentaire ? Qu'est-ce qu'un portrait ? Nous faisons cercle pour faire nos "portraits chinois". Nous regardons et écrivons ensemble sur les photos en studio de Seydou Keita et une série de photographies sur le travail des enfants, de Lewis Hine. Le noir et blanc est encore inhabituel pour eux. Avec eux, j'apprends à faire acte de pédagogie.