L’école. La classe. Chaque enfant. Avec un fil orange, je relie leurs index, une forme de toile d’araignée se dessine. Je leur parle de ce langage qui nous lie. L’un bouge, le fil se tend ou se relâche. Du jeu, se déplacer, changer d’espace pour une nouvelle forme. Quand je fais silence, je lâche le fil. La structure reste vivante. Quand tous lâchent le fil, il tombe, langue figée, endormie plus que morte car la pensée court. Un texte écrit est-il ainsi endormi jusqu’à ce qu’un s’en saisisse ?
Un texte écrit, c’est peut être quand tous posent le fil au sol. Celui qui s’en saisit en a sa propre lecture, sa compréhension. L’auteur ne peut plus agir sur la relation qui se noue entre le lecteur et le texte.
Chacun écrit sur son rapport au langage, à l’écriture, aux mots.
Un poème d’Henri Meschonnic me revient, je leur apprend :
Un chemin sort de mes pieds.
J’avance, je vais
sur le plus
inconnu
des chemins
celui qui sort
de moi.
Et puis des rendez-vous pris, avec Cédric Rodriguez, coordinateur culturel pour l’Ariège, le directeur de la MJC de Tarascon-sur-Ariège pour envisager la restitution. Une lettre aux parents, écrite par l’enseignante, Murielle Salitot.
Plus tard.
Une sélection de phrases extraites des écrits du matin. Les phrases découpées mot après mot, reconstituées. 13 pôles ou stands, j’ai bien aimé stands, sur les tables. A côté de chaque phrase des morceaux de papier jaune.
Les enfants 2 par 2, un stylo en main, se déplacent de phrases en phrase, changeant un mot de chaque phrase. Superpositions. Circulation. Où je leur parle de l’OULIPO, ouvroir de littérature potentielle. De Raymond Queneau.
Le lendemain, c’est un vendredi. Dans la salle parquetée de la MJC, les phrases et les mots ajoutés sont disposées. Par pôle, mais un enfant dit à nouveau : quel stand choisir ?
Échauffement. Grandir, se sentir ensemble. Apprendre les prénoms, regarder chacun.
Puis par deux chacun compose un texte avec les mots accumulés. La volonté du sens est très forte pour certains, peu d’errance, de hasard. Du coup une deuxième consigne : composer un deuxième texte, en cherchant le bizarre.
Plus tard, nous marquons par un coup de marqueur fluo le retour à la ligne.
Dans l’après-midi, les textes sont réécrits, début de choix : la grammaire, la forme, l’orthographe. Qu’est-ce que ça veut dire.
Un poème de Jean Tardieu me revient, Télégramme. Bientôt, ils l’apprendront.
Je rentre avec :
– des petits papiers 5 x 3 cm avec des verbes, noms, pronoms, prépositions…
– des textes, pleins, 50 peut-être
– des visages
– des rêves qui ne sont pas les miens, à apprivoiser
– beaucoup de tendresse
– l’envie de déposer ce matériau, de m’assoir et d’écouter. Ça.