BISSSSSSSCUITS

5 - Des biscuits et du pain

Publié par Sarah Penanhoat

Journal du projet

Ici, les enfants sont davantage dans l’observation des résultats de leur cuisson, la préparation à l’émaillage, puis, l’émaillage lui-même.

Après l’effervescence des deux premières semaines de résidence, entre la présentation du projet, les recherches préalables, la préparation de l’atelier, l'apprentissage de la sculpture et la production des pièces, celle-ci était supposée être plus calme. La semaine précédente, même les soirs et le mercredi - jour off pour les élèves - n'étaient pas suffisants en temps disponibles... j’avais alors passé la semaine à en chercher.

L'atelier encore vide, les biscuits cachés
On ne le voit pas sur cette photo, mais à chaque récréation, beaucoup d'enfants se pressent contre les vitres qui donnent sur la cour, et se passent le mot de ce qu'il y a dans l'atelier.

Cette fois, j’arrive le lundi matin à l’école avec les premiers biscuits. Au risque de me répéter, on appelle biscuits les objets sortis de la première cuisson, qui sont donc durs et assez solides, mais pas encore à leur maximum, puisqu'il n'y a pas d'émail, et à la texture encore poreuse, donc pas imperméables. Enfin, ils ont la couleur de la terre du modelage.

L'atelier encore vide, les biscuits cachés, des tables dressées
Alors pour garder un peu de suspense, j'ai recouvert les biscuits de leurs emballages et mis des tables. J'ai en effet envie qu'ils puissent voir tout en même temps, histoire de comprendre un peu l'effet visuel du banquet lors de la restitution-dégustation.

Ici, nous travaillons avec de la faïence blanche, donc après cette première cuisson, les biscuits sont blancs cassés. Mais il existe des terres rouges, jaunes, roses, grises, marrons, noires...

Toutes les pièces que je suis allée chercher, avec un peu d'appréhension à Liart (Ardennes, Grand Est), ont résisté à l’épreuve du feu, les épaisses comme les fragiles.

Quand ils découvrent leur pièces cuites

Je le disais plus haut, en février 2020, des enfants étaient absents, ou, par manque de temps, n’avaient pas réalisé de pièce à faire cuire lors de la précédente session. Alors, pour qu’il y ait une égalité de production, je reprends avec eux sur une matinée, la partie modelage. C'est efficace puisque en groupe extrêmement restreint, ils modèlent quelque chose de valable, qu’ils finiront jeudi si besoin.

Ce même après-midi, on prend un temps en classe entière dans l'atelier, avec Corinne, pour discuter de leurs impressions sur les biscuits, sur le projet, ce qu’ils ont retenu jusque-là et comment peuvent-ils le résumer.

De plus, même si on a parlé des termes techniques plusieurs fois, je me rends compte qu’il faut y revenir : barbotine, engobe, émail, etc. Encore une fois, je vois les effets du temps entre chacune de mes venues et ils ne peuvent retenir tout. C’est un exercice de se remettre en question et de voir ce que le public retient d'un projet.

En revanche, les axes banquet, buffet, nourriture et nature morte, ils les ont à l'esprit. Discuter avec les enfants est plaisant, frais : ils me racontent qu’ils avaient déjà entendu le terme de "nature morte" avec l’animateur du L’ocal de Signy (un endroit où beaucoup d’entre eux vont après l’école pour y faire des jeux de société, du sports, en été des balades...) qui avait organisé une sortie en forêt.

Avant émaillage, ils préparent tous leurs pièces en même temps en ponçant, afin qu’il n’y ait pas de poussières volantes dans l'atelier les jours qui suivent. Là, pas besoin d'éclaircir le concept de ponçage, ni la manière d'utiliser le papier. Bientôt, Corinne et moi avons droit à un concert de papier ponce-faïence, car dans le préau, une trentaine d’enfants s’activent en rythme, et c'est comme le son de criquets.

C’est une étape facile, relativement fastidieuse et ennuyeuse, mais indispensable, qui a lieu avant l’émaillage : poncer les aspérités de la première cuisson. Très peu de pièces étaient lisses de base, et ils n’auraient pas réussi à avoir un rendu industriel, mais cela permet de dégrossir le grain, d'enlever de la chamotte superficielle, et de préparer la céramique à l’émail en lissant les traces les plus visibles.

C’est ce que je leur explique, en leur précisant qu’on verra toujours le plus gros du toucher, mais qu'ensuite, avec l'ajout de l'émail qui va « lisser la terre » en cuisant et en déposant sa couche de verre. Ils s'appliquent et poncent énergiquement leur pièce ; parfois un peu trop, car, malheur ! une des antennes du homard de Mattéo se casse sous la pression.

D’un autre côté, avec Xavier, on avait discuté boulange.

La suite du projet arrivant à grand pas, je commençais à envisager concrètement ce qui était possible : emmener les enfants à l'extérieur, qu'ils voient l'atelier de Julien, le boulanger, qu'il leur explique comment fonctionne le mélange farine-eau-levure-levain, qu'il amène de la pâte, et voir si on peut faire cuire à l'école. Ainsi, les questions du modelage, du pétrissage, de la logistique, de la cuisson, des ingrédients...se posaient, et de façon de plus en plus proche - pour la semaine suivante.

Pour des contraintes de temps et de chaleur - car la pâte à pain a besoin d'un temps de pose mais aussi d'une température spéciale et, une fois levée, il faut pétrir et donner la forme, et là, il faut le faire, on ne peut pas contraindre la pâte indéfiniment ; surtout à l'école, où il n'y a pas de frigo avec une température spéciale ralentissant la pousse, on envisage de faire deux parties : une chez Julien, une autre à l'école, et de faire deux pâtes à pain, une faite maison, et une autre, par le professionnel. Et pour cela, il faut tester !

Les kids se font tourner les pains, les sentent, les touchent avant de les gouter

Et de son côté, Carole, que je ne connais pas encore, s'implique dans le projet. C'est un succès

Avec son propre pétrin, elle a fait des tests de modelage de pain selon différentes techniques : en moulage, en modelage, étalé, que je récupère l'après-midi et ça marche plutôt bien !

Ça conforte l'idée de pouvoir dispatcher le volume entre la boulangerie de Signy et une production sur place.

Lorsque j’avais présenté Les Géant.e.s aux enfants, je leur avais évoqué l’idée du pain, mais sans m’y attarder, volontairement. Une chose à la fois ! Et quand je leur montre l’exemple de l'épouse du directeur, ils sont surpris et excités en comprenant qu’il y aura bien de la fausse nourriture et de la vraie, qui sera en pain. Les formes non classiques faites en amont, le rendu lisse ou "texturel" de la pâte les enthousiasment et les questionnent ; et en même temps, j’ai l’impression qu’il y a, comme précédemment, une forme d’appréhension qui arrive.